lundi 17 août 2009

«Contre le détournement marchand des universités du Québec par le patronat»

L'auteur est Eric Martin, doctorant en pensée politique à l'Université d’Ottawa et chercheur en éducation à l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS)
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Le gouvernement du Québec et le patronat cherchent actuellement à travers le le projet de loi 38 visant à imposer de nouvelles règles de « gouvernance » des universités visant à remettre les rênes des conseils d’administration à une majorité de membres issus de l’extérieur de la communauté universitaire, c’est-à-dire du milieu des affaires. Cela implique de détourner les institutions de leur mission de transmission de connaissance pour les réduire à n’être que des centres de formation de main d’oeuvre. La population du Québec acceptera-t-elle que le système d’éducation soit détourné au service de l’argent?

La mission fondamentale des universités a toujours été la formation de l’esprit, à travers la transmission de la synthèse des connaissances passées et la critique des orientations que prend la société. À l’époque de la Révolution tranquille, on a aussi exigé de l’éducation qu’elle « contribue au développement économique ». La prochaine étape est claire : éliminer « enfin » le rapport entre éducation et culture pour que les institutions d’enseignement se bornent à former du « capital humain » polyvalent et employable.

Le patronat en appelle aujourd’hui au gouvernement du Québec pour qu’il prenne les universités d’État, censées offrir aux classes populaires un accès à une éducation générale abordable, afin d’en faire des centres de formation technique et managériale. Cela sert certes les intérêts des marchands capitalistes, mais il s’agit, pour le peuple, d’une grande dépossession, en ce qu’on lui retire sournoisement l’un des outils de son autonomie, individuelle et collective : la formation intellectuelle, remplacée par la formation opérationnelle.

Le premier mécanisme consiste à retirer le pouvoir aux universitaires pour le donner à des membres « indépendants » de l’Université...mais dépendants de la logique de profit et les modes de gestion propres au secteur privé, qu’il conviendrait d’importer dans le secteur public. Le « principe selon lequel les membres d'un conseil d'administration devraient être indépendants de l'organisation qu'ils administrent » a beau faire « largement consensus dans le secteur privé », il est relativement évident qu’il n’en est pas pour autant transplantable sans causer des pathologies graves dans le secteur public...à moins d’être incapable de différencier la nature et le rôle des deux secteurs.

En vérité, voilà bien 800 ans que les universitaires s’auto-administrent, et cela n’a jamais causé problème, sauf lorsqu’un Prince, un pape ou des marchands ont voulu mettre la main sur l’institution, ou jusqu’à ce que l’institution commence à jouer le jeu de la compétitivité et du marketing propres au secteur privé. La plus sûre façon de détruire nos universités est de les soumettre à des principes de « performance » et de rentabilité qui sont étrangers à leur nature, et de retirer pour ce faire le pouvoir des mains des universitaires pour le remettre aux comptables, pour qui une usine Toyota et une école devraient être administrés suivant les mêmes principes.

Augmenter le financement des universités ne réglera pas grand chose si l’on persiste à refuser de se demander si les universités doivent servir la culture ou la compétition économique : cela équivaudrait à irriguer un cancer. Le patronat prône plutôt la fuite en avant, allant jusqu’à proposer la modulation et la hausse des frais de scolarité, une mesure en rupture avec le projet moderne d’une éducation libre, gratuite et universelle.

Une hausse de frais de scolarité affectera la provenance de classe des étudiant-e-s, ce qui favorisera les mieux nantis. C’est aussi la plus sûre façon d’achever la dénationalisation et la marchandisation de l’éducation, qui passerait d’une institution publique de transmission de connaissance financée par l’État à un service de formation privé payé par des individus. Le système australien du remboursement proportionnel au revenu est précisément conçu pour réduire au maximum la part des subventions étatiques dans le coût d’un diplôme, reléguant sur les épaules de l’individu la quasi-totalité du coût de ses études, qui deviennent alors un investissement individuel .

Voilà bien la suprême ironie du plan de managérialisation des universités du patronat et des libéraux : une éducation intellectuellement pauvre, servant exclusivement les « besoins du monde du travail », et pour laquelle il faudra payer très cher, quitte à s’endetter de dizaines de milliers de dollars et à rembourser durant 25 ans. Cette même logique s’étendrait au secondaire et au primaire, pour que tout le système soit orienté vers la finalité de « développer de la manière la plus optimale possible le capital humain », le nouveau nom devant désigner les élèves.

On ne saurait accepter que l’école traite la jeunesse comme un vulgaire facteur de production. C’est pourquoi il faut à tout prix éviter d’en remettre les rênes aux marchands. Certes, plusieurs universitaires ont déjà retourné leur veste pour adhérer à cette logique et sont devenus de véritables PME de la « Recherche » subventionnée. C’est pourquoi le plus urgent est de tenir un débat sur le rôle et la finalité de nos institutions d’enseignement et de freiner au plus vite la gangrène marchande avant que ne soit parachevé le détournement.

mardi 4 août 2009

Black Dragon Gang

Dans la même lignée que Antifa : Chasseurs de Skins et l'antifascisme européen, ce documentaire d'environ une heure retrace l'histoire et l'organisation du Black Dragon Gang. Basé en France et fortement inspiré des activités des Black Panthers, ce groupe s'est formé dans les années 80 en réaction aux boneheads qui intensifiaient leur campagne de haine. Les Black Dragon se sont donné comme mission d'y mettre un terme, objectif qu'ils atteignirent en 3 ou 4 ans par le biais d'actions directes, notamment la chasse aux skins. Outre l'aspect politique de la chose, on souligne l'apport culturel du groupe dont certains membres ont jeté les bases d'un hiphop enraciné dans les cités. Ils abordent aussi la difficulté à tenir une ligne directrice, l'antifascisme, au sein de gangs de rue qui sont trop souvent gangrénées par les petits gangsters (par chance ils pouvaient compter sur des alliés solides tels que les Ducky Boys). Le Black Dragon Gang aura marqué, à sa façon, l'histoire des gangs de rue en France en réunissant des centaines de personnes et en stoppant ces connards de nazis.



Vous pouvez voir un preview du dvd ici : http://www.youtube.com/watch?v=VQyh9EhNbx4

«VIVRE L'UTOPIE», témoignages d'anarchistes espagnols

Documentaire en cinq parties sur l'Espagne libertaire de 1936 dans lequel une trentaine d'anciens militants témoignent de la réalisation concrète de l'anarchisme par plusieurs millions de personnes en Catalogne et en Aragon.

Traduit en français.


dimanche 2 août 2009

Lire entre les lignes avec un bon outil

Petit rappel de philosophie politique :

«Le mode de production mis en place à une époque donnée est assorti de rapports sociaux, issus de l'organisation du travail, qui déterminent les conditions d'existence particulières des agents de la production. »
-Bref, les prolétaires travaillent et sont pauvres, les bourgeois en tirent profit et sont riches.

«Mais l'influence de l'infrastructure économique ne s'arrête pas là. c'est elle qui détermine la SUPERSTRUCTURE, c'est-à-dire l'ensemble de l'organisation juridique, politique et idéologique propre à une société donnée. Ainsi, l'État, les lois, les idées, les valeurs et les mœurs que connaît une société ne sont pas des éléments neutres, mais ils découlent de l'infrastructure économique et lui permettent de se reproduire.»
-Ce passage est très important. En résumé, la démocratie parlementaire bourgeoise, les médias corporatifs (mass-medias), les tribunaux, l'Armée, les ministères, etc. et surtout LA POLICE sont tous des éléments qui sont au service de l'infrastructure de la société, en l'occurence du capitalisme. Dès que ce régime sera menacée, la superstructure mettra tout en oeuvre pour le protéger et discréditer ainsi que criminaliser la dissidence.


Maintenant, au vue de ces prémisses, analysons un peu les réactions de la classe dirigeante montréalaise, de la police et des médias, tous issus de la superstructure, face à différents événements marquants de l'actualité militante.

1- la diffusion des noms des personnes assassinées par les flics de Montréal ces 20 dernières années.
Cette diffusion, sous forme de graffitis, est qualifiée par les médias de «graffitis haineux», et son caractère illégal est très fortement souligné (rappellons au passage que les lois servent à protéger l'infrastructure capiatliste et le régime bourgeois).

http://canoe.com/infos/societe/archives/2009/04/20090417-143925.html
http://www2.canoe.com/infos/societe/archives/2009/04/20090415-000203.htm

Propager les crimes dont se rendent coupables les flics est un acte haineux selon les autorités du régime.
Quoi de plus surprenant dans un État policier proto-fasciste ?

Pour vous renseigner sur cette campagne de diffusion :

www.flics-assassins.net
http://cobp-mtl.ath.cx/fr/qui-sommes-nous

2-Le 15 mars dernier avait lieu la manifestation montréalaise de la journée internationale contre la brutalité policière. Notre collectif, l'Étoile Noire, était présente et nous avons d'ailleurs pondu un compte-rendu détaillé sur ce blog.
Mais qu'en est-il de la réaction des acteurs de la superstructure capitaliste ?
Eh ! bien ça allait d'une campagne de terreur digne de la Guerre froide (on va débarquer tuer vos enfants au son de l'Internationale) à l'interdiction éventuelle de la manifestation.
En incluant également la déligitimation de la cause, la discréditation des moyens utilisés, le tout enrobé des valeurs chères à toutes les fractions (de la droite à la gauche), soit le dogme de la non-violence et l'illusion du changement pacifique. Dans un article plus bas, vous avez l'occasion de voir Glenn Beck, symbole réactionnaire états-unien qui fustige le livre l'«Insurrection qui vient» et, bien entendu, le message que ce dernier comporte, soit l'appel à la révolution. Ce monsieur, comme bien d'autres de son genre partout sur le globe, nous parle de pacifisme, de Gandhi et de Luther King.
Au Québec, on nous parle souvent des «autres moyens de vous faire entendre». Bref, du futile vote aux 4 ans, de l'implication dans un parti politique ou je ne sais quoi d'autre. Ces gens essaient de canaliser la révolte vers des dortoirs politiques. C'est de l'anesthésie. De la révolte, les personnes ainsi embrigadées dans le système passent à la collaboration.
Rappelez-vous un des composants de la superstructure, les valeurs. Qui ne sont pas neutres. Ces valeurs sont le reflet intentionnel du capitalisme. L'importance du travail (combien de parents poussent leurs enfants à travailler dès l'âge de 14 ans ! Souvent même plus jeune !), le respectde la sacro-sainte propriété, la soumission à l'État, au gouvernement, aux flics, à la patrie.
On te donne un drapeau et on te dit de l'agiter à chaque année.
On te dit que tu vis dans le plus-meilleur pays du monde, que tu as de la chance de ne pas être en Afghanistan. Oh mais non, maintenant que nos soldats du plus-meilleur pays sont là la population afghane est heureuse, on lui a apporté la lumière de la civilisation démocratique après tout. Avant il faisait sombre et c'était les ténèbres. Puis, de preux chevaliers à la feuille d'érable sont descendus de chevaux de métal volants pour illuminer le bon peuple ignare. Une belle histoire hein ? Que ce ne soit que des conneries, on le sait, mais le plus ridicule, c'est que, malgré la caricatures, il y aura des imbéciles patriotes pour le croire et d'autres pour tenir ce discours à la télévision, à la radio ou dans les parlements...

samedi 1 août 2009

La droite réactionnaire des États-Unis se prépare au pire...


Voici une vidéo qui est, faute d'autre mot, très alléchante pour ceux et celles d'entre nous qui ont eu la chance de lire le fameux bouquin «L'insurrection qui vient» écrit par le Comité invisible (dont, vous vous en douterez, nous ignorons qui sont les membres).
Pour la petite histoire, il y a une véritable tempête politique en France autours de ce livre puisque l'autorité française a procédé à l'incarcération de Julien Coupat, sa compagne et des camarades, soupçonné-e-s de former ce Comité invisible et d'être à l'origine, non seulement de ce livre, mais aussi d'un sabotage d'une ligne TGV (train à grande vitesse) reliant la France et l'Allemagne. Sabotage qui a été revendiqué peu de temps après par un groupe allemand, soit-dit-en-passant. Ces personnes furent arrêtées sous l'inculpation de « direction d'une structure à vocation terroriste », « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste » et « dégradations en réunion en relation avec une entreprise terroriste ». Après plus de 6 mois passés en prison, Julien Coupat fut relâché en mai 2009. Notons que, malgré l'absence flagrante de preuves à son encontre, il dût essuyé plusieurs refus de remise en liberté.
La ministre de l'intérieur voyait dans le sabotage de la ligne TGV un acte de ce qu'elle hallucinait comme «l'ultra-gauche, mouvance anarcho-autonome». Ce qui remplace bien le terrorisme islamiste pour un régime ultra-sécuritaire, nécessairement autoritaire et policier.

Tout cela pour vous présenter la vidéo tirée de l'émission de Glenn Beck, un connard ultra-conservateur (comme s'il y en avait pas assez) qui grogne en direct à la chaîne télévisée Fox News (surprise...). Notons que le livre du Comité invisible sera publié très prochainement aux États-Unis sous le titre «The coming insurrection» par les presses du Massachusets Institute of Technology (MIT).
La vidéo est en anglais, sous-titrée en français.



(Vous pouvez également voir l'article dont il en est question sur le site du quotidien francais Libération à l'adresse suivante : http://www.liberation.fr/brut-de-net/06011086-fox-news-fait-de-la-pub-pour-l-insurrection-qui-vient)

(Et l'interview par Le Monde de Julien Coupat, alors incarcéré : http://www.lemonde.fr/societe/article/2009/05/25/julien-coupat-la-prolongation-de-ma-detention-est-une-petite-vengeance_1197456_3224.html)

(Et, bien sûr, l'Insurrection qui vient en ligne : http://rebellyon.info/L-Insurrection-qui-vient.html)

Le déserteur -- Renaud

Voici la reprise faite par Renaud de la célèbre chanson «Le Déserteur», de l'auteur et musicien Boris Vian.



Radicalisation ouvrière, phénomène culturel ?

On apprenait dans l'Humanité (quotidient Français) à la suite d'un sondage qu'une majorité d'ouvriers et d'ouvrières comprenaient et approuvaient la séquestration des patrons et jusqu'à la «destruction de sites».
En effet, «L’enquête de l’IFOP- l’Humanité (1) révèle que 44% des ouvriers adhérent à l’idée de séquestrer des patrons (4% les condamnent), soit une progression de 4% par rapport au sondage que ce même institut avait réalisé en avril 2009 pour Paris Match». Mais plus encore, «Le pourcentage des ouvriers tombe à 30% lorsqu’il s’agit de juger les salariés qui menacent de faire sauter leur entreprise (contre 16%)». Un pourcentage de 30 % appuyant le «terrorisme» prolétarien c'est déjà beaucoup plus que ce que l'on pourrait espérer récolter avec les sondages (corporatifs) effectués au Québec.

Conscience de classe ? Culture de politisation de la classe ouvrière française ?
Une chose est sûre, la France a un passé de mobilisation bien plus mordant que celui du Québec. Ici c'est surtout à la répression qu'on est habitué-e. Oh ! Mais n'allez pas croire que la répression se résume à l'intervention des Forces Armées comme il y a eu lieu dans plusieurs pays. La répression étatique peut inclure l'utilisation de la police, la criminalisation de la contestation, la marginalisation des luttes sociales, des stratégies de mass médias pour garder l'opinion publique dans l'ignorance ou dans le chemin idéologique privilégié. Des exemples de cela fusent dans l'histoire passée et actuelle de la société québécoise.

Mais passons cela et revenons sur le sujet principal.

Récemment il y a eu le cas d'un patron en Chine lynché à mort par les employé-es suite à une annonce de réduction drastique de personnel. Après l'Asie et l'Europe en ébullition, après l'Amérique latine en plein remaniement idéologique, qui tend vers l'antilibéralisme/socialisme étatique, est-ce au tour de l'Amérique du Nord de procéder à un questionnement de ses tenants et abouttisants, cela surtout dans un contexte de crise ?
L'article nous apprend que le ressentiment ouvrier et sa radicalisation est « davantage l’expression du malaise, de la colère et de l’exaspération face aux fortes inégalités de revenus entre les salariés et les actionnaires et les hauts dirigeants ». Après des cas comme l'ex-PDG de la Caisse de dépôts et de placements du Québec (CDPQ) qui a engendré plus de 40 milliards de déficit et qui s'en tire avec 378 750 $ et qui avait l'audace de dire en commission parlementaire qu'il avait sacrifié sa carrière au privé pour venir aider la société en prenant la tête de la CDPQ, on se demande combien de temps il faudra pour que les prolétaires, les «va-nu-pieds» et les marginaux mettent le feu à ce système de merde...


Pour voir l'article en question :
http://www.humanite.fr/L-immense-majorite-des-Francais-comprend-la-colere-des-ouvriers